top of page
  • 2rp

RDC : vers un retour de Joseph Kabila au pouvoir ?



En République démocratique du Congo (RDC), la prochaine élection présidentielle est prévue officiellement en 2023. Si l'échéance est encore lointaine, la présidentielle programmée théoriquement est déjà dans toutes les têtes et les polémiques fusent d’ores et déjà sur le bilan de Félix Tshisekedi, candidat déclaré à sa propre succession. Entre autres stratégies dans les rues des villes du pays, certains nostalgiques érigent des affiches géantes, pour appeler au retour de l’ancien président Joseph Kabila.


Félix Tshisekedi (au pouvoir depuis début 2019), dont l’élection avait été une surprise il y a trois ans, a d’ores et déjà, et depuis de longs mois, annoncé qu’il serait candidat à sa propre succession lors des élections de décembre 2023. Mais, dans le pays, les critiques sont légion, notamment sur les résultats de du chef de l’Etat, en matière de sécurité.



Début 2021, plus de deux ans de son quinquennat, son alliance inattendue et quelque peu forcée, avec son prédécesseur, avait volé en éclat deux ans après l’élection de 2019, lorsque Félix Tshisekedi avait mis sur pied son Union sacrée de la nation, écartant de tous les leviers et notamment du parlement, le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) de l’ancien président Joseph Kabila. Depuis lors, il a certes pris de l’épaisseur et nommé un gouvernement sous son contrôle, pour concrétiser ses projets. Première mesure, il proclamait l’état de siège dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri pour combattre les dizaines de groupes armés, mais à ce jour, les massacres continuent dans l’Est du pays, et dans les deux provinces.


Le leader de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), fils de l’opposant historique Etienne Tshisekedi (mort début 2017), explique qu’il lui faut du temps pour accomplir ses promesses présidentielles, sous fond de reformes. Il justifie effectivement le retard pris dans ses chantiers par l’échec de son alliance initiale avec le parti de son prédécesseur, Jospeh Kabila. Ce qui semble ne pas adoucir les esprits. Ces derniers mois, l'opposition et les églises catholique et protestante ont aussi reproché à Félix Tshisekedi d'avoir placé un proche, Denis Kadima, à la tête de la Commission chargée d'organiser les élections, la Ceni. Début février, l'opposition et la Conférence épiscopale (Cenco) n'ont d'ailleurs pas été surprises d'entendre M. Kadima s'inquiéter ouvertement des obstacles à la bonne tenue du scrutin dans les délais prévus. « Cela prépare l’opinion à l’impossibilité d’aller aux élections en décembre 2023, conformément à ce que prévoit la Constitution », laisait entende chez Jeune Afrique, un proche de Martin Fayulu. Un membre de la Cenco ajoutant que « C’est un ballon d’essai lancé par Félix Tshisekedi et sa coalition. Denis Kadima est dans son rôle, il fait ce pour quoi il a été imposé à la tête de la Ceni. Nous les avons à l’œil ».


Rappel historique

Lorsque Joseph Kabila fait sa dernière adresse à la Nation en tant que Président, après 18 ans de règne dont deux ans sous forte pression interne et externe, en ces termes : « Demain, je vais passer la main à mon successeur, sans regret ni remord », il cachait certainement un jeu de poker. Il jouera un jeu pour le moins compliqué mais réussira à imposer ses propres règles, en s’octroyant un droit de regard sur la commission électorale, la Cour constitutionnelle, mais aussi sur l’armée et les services de renseignement.


Lorsque Tshisekedi accède au pouvoir, les pro-Kabila conservaient la majorité à l'Assemblée, au Sénat et dans les 26 provinces. Ces résultats ouvraient la voie à une coalition entre les deux hommes. Les résultats comme la coalition auraient été négociés avant même le jour du vote. Le premier ministre et la majorité des membres du gouvernement sont issus des rangs de la coalition de Kabila, le front commun pour le Congo (FCC). Ils occupent les institutions et des ministères stratégiques comme la Défense, les Finances et la Justice


Quatre mois à peine après l’installation du gouvernement de coalition Cach-FCC, début 2020, la grogne monte au sein de la population excédée par des scandales de détournements de fonds publics et, des tensions apparaissent au grand jour entre les deux alliés.


Il est accusé d’avoir orchestré le détournement de dizaines de millions de dollars du programme des 100 jours du chef de l’État. Face au tollé, Félix Tshisekedi demande un audit, mais le gouvernement majoritairement pro-Kabila le transforme en procédure judiciaire et Vital Kamerhe est condamné.


Tshisekedi prendra vite sa revanche vers la fin 2020. Il met fin à la coalition avec Kabila. Après sa vaine protestation contre la nomination de trois juges de la Cour constitutionnelle, un nouveau revers est infligé au camp de l’ex-président : la destitution de la présidente de l'Assemblée nationale, Jeanine Mabunda et de son bureau, sur la base d'une pétition signée par plus de 250 élus nationaux.


La précédente présidentielle qui avait conduit Félix Tshisekedi au pouvoir en 2019 au terme d’un processus électoral long et éprouvant aura ainsi fini par créer des frustrations, notamment une crise postélectorale, puis une gouvernance politique mouvementée par une coalition surréaliste, avec Joseph Kabila. Tout cela n’a pas manqué de présenter à l’opinion, des prétendants qui affûtent chacun, à sa manière, ses armes, pour un éventuel remplacement de l’actuel président en 2023.


Les opposants se positionnent

Le premier sur cette liste, est Augustin Matata Ponyo Mapon, qui avait dirigé le gouvernement sous Joseph Kabila, entre 2012 et 2016. Celui-ci a officialisé sa candidature début mai 2022. L’économiste se présente comme social-démocrate, attaché à une économie de marché. Il accorde de l’importance aux problématiques sociales comme l’éducation et la santé. Il bénéfice d’un bilan macro-économique plutôt bon lors de son passage à la primature. Son avenir politique reste néanmoins compromis par une accusation de détournement de fonds publics qu’il conteste d’ailleurs. En novembre dernier, son horizon, il s’est vu un peu blanchi, lorsque la Cour constitutionnelle a estimé qu'elle n'avait pas compétence à le juger, coupant provisoirement court aux poursuites contre lui. Au moment d’annoncer sa candidature, Augustin Matata Ponyo a rencontré Martin Fayulu, une autre probable figure de la campagne présidentielle à venir.


L’homme de 65 ans, à la tâte LAMUKA, est une figure importante de la vie politique congolaise. Plusieurs fois député national et député régional de Kinshasa. Constant dans son opposition autrefois à Kabila mais aussi aujourd’hui à Tshisekedi, Martin Fayulu est un homme animé par un désir de revanche, après l’élection de 2019 dont il continue de revendiquer la victoire.


Dans cette forêt de prétendants, se dresse un autre homme : Moïse Katumbi. Le puissant propriétaire du TP Mazembe, l'un des plus grands clubs de football du continent africain. Il reste toujours officiellement lié à l'Union sacrée du président Tshisekedi, mais se présentant comme opposant au chef de l'Etat. En décembre dernier, Moïse Katumbi, lançait son parti Ensemble pour la République dans la perspective de la présidentielle. Il posait alors des conditions pour un possible maintien dans la coalition au pouvoir. Il semble d’ailleurs se rapprocher de son ex-rival, le président Kabila.


La rencontre Kabila Katumbi

L’image est historique pour ce qu’ont toujours représenté les deux hommes aux yeux des Congolais : des rivaux. Leur rivalité a été l’un des marqueurs des dernières années de la présidence de Joseph Kabila (2001-2019).


Dimanche 22 mai 2022 à Lubumbashi, alors que se refermaient des assises de la réconciliation au Katanga, Joseph Kabila et Moïse Katumbi se serrent la main. À l'issue de la messe et devant les objectifs, l'ancien chef de l'État et son riche (ancien) opposant sont tout sourire. La poignée de main aura, à ce titre, remis un coup de pression sur un camp présidentiel dont les adversaires sont aujourd'hui plus visibles que les soutiens. Malheureusement pour le camp présidentiel, ils n’ont pas eu de mots assez durs pour qualifier le bilan du président sortant, qu’ils trouvent tous mauvais ou inexistant. Les assises organisées par l’Église se voulaient « apolitiques », mais cette séquence a trahi le climat politique qui règne déjà 17 mois de la présidentielle de 2023.

Cette rencontre et l’interprétation, la poignée de main, le sourire et les échanges conviviaux laissent croire en un rapprochement entre les deux hommes, en vue de la prochaine élection présidentielle, les deux s’érigeant désormais en opposants au régime de Tshisekedi.


Outre les candidatures officielles, officieuses ou pas encore annoncées, d'autres signes témoignent d’un « appel du peuple », à un retour au pouvoir de Joseph Kabila. Dans plusieurs villes du pays, on aperçoit des banderoles, des affiches, à la gloire du « Raïs » congolais, demandant un retour au pouvoir d l’ancien chef de l’Etat. A Kinshasa par exemple, on peut lire sur des banderoles « Kabila, come back please … Kabila revenez, s’il vous plait » ou encore « Kabila forever ». Ces images font désormais le tour des réseaux sociaux en RDC et au-delà, et semble trouver des adhésions massives. Justifiant cet appel à un retour de Kabila, un internaute congolais qui pense d’ailleurs que le choix porté sur certaines « têtes pensantes » du régime, avait « déjà condamné » Félix Tshisekedi. Ce dernier affirme sur Tweeter : « De la qualité des hommes qu’une équipe titularise sur le terrain, dépendent non seulement ses résultats, mais également son niveau de jeu, et donc son niveau tout simplement… »


Pourrait-on donc assister à scénario à la Lula Da Silva, en RDC ? Une candidature de l’ancien président n’est d’ailleurs pas totalement à exclure. Kabila est resté mystérieux sur le tournant des évènements. Sa coalition très affaiblie encaisse des défections et se taille une posture d’opposition radicale au régime de Tshisekedi. Ce dernier quant à lui, a beau avoir les bonnes intentions, mais peine à faire oublier aux Congolais l’ère Kabila, à cause notamment de ses nombreuses promesses électorales, non tenues.

Posts à l'affiche
bottom of page