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Le piège de la distraction en Afrique



Détourner de l’objectif, voilà la portée sémantique du vocable « distraire ». Musique, cinéma, sport, jeux de hasard, potins de stars, clashs de célébrités, ragots de quartiers et autres faits divers, toutes les vanités sont bonnes pour céder aux sirènes de la distraction. Mais les vraies questions sont de savoir qui tient les ficelles de l’industrie de la distraction et quels en sont les objectifs et les cibles ?


La distraction est sans aucun doute l’un des plus puissants outils de manipulation des masses entre les mains de ceux qui tiennent à préserver leurs privilèges et ont intérêt à accomplir leurs sombres desseins pour minimiser les risques de contestations populaires organisées. Avant de faire recours à l’ultime instrument de dissuasion qu’est la peur par la répression, les protecteurs des systèmes de domination usent et abusent de la prolifération des sources de divertissement. Pour preuve, l’industrie de « l’entertainment » et ses acteurs représentent un empire financier qui engrange des milliards de dollars par jour à travers le monde. Les stars de la musique, de football, de la boxe, de Formule 1, du tennis, du cinéma et autres secteurs de « l’enjaillement », sont parmi les mieux payées au monde en guise de rétribution pour leurs œuvres d’endormissement des consciences.



En Afrique, hommes comme femmes, jeunes et moins jeunes, riches et pauvres, se livrent allègrement au déluge des formules de distraction qui se présentent à eux, avec encore moins de retenue qu’ailleurs, les peuples africains ayant été historiquement formatés pour plébisciter et assimiler sans filtre tout ce qui vient d’ailleurs. C’est ainsi que le dernier « son » de Justin Bieber ou de Rihanna n’échappera à aucun africain, encore moins la robe de soirée de Venus William lors du mariage de Brooklyn Bekham, la gifle de Will Smith aux Oscars ou encore le prochain Classico Real-Barça. Mais combien d’africains se préoccupent des conséquences du franc CFA sur leurs économies, des dizaines de milliers de morts civiles dans la guerre du Kivu à l’est de la RDC depuis 2000, du pillage de nos ressources minières par les multinationales occidentales et les catastrophes écologiques conséquentes, de la bataille pour la liberté économique et politique de l’Afrique qui est courageusement engagée par les vaillantes autorités maliennes ou encore des enjeux du Golfe de Guinée face aux lugubres projets de prédation de l’oligarchie occidentale, déterminée à faire main basse encore et toujours sur les ressources de l’Afrique ?


De la distraction, tout le monde en est victime, me direz-vous, mais avons-nous des raisons de tous nous laisser distraire ? A chaque peuple ses réalités historiques, culturelles, économiques et spirituelles, et donc à chaque communauté ses priorités. Si le monde entier est en effet sous l’emprise des puissants soporifiques de l’impérialisme occidental, les africains ne peuvent se payer le luxe d’y souscrire sans réserve. S’il est certain que se détendre reste essentiel pour l’équilibre psychique de tout être humain, céder massivement et sans retenue aux sirènes de la distraction ne saurait être toléré pour les africains, tant le travail de libération laisse peu de place à l’amusement. Les victimes et les bourreaux ne sauraient danser au rythme de la même musique, leurs préoccupations n’étant pas les mêmes, à moins de se faire complice de son propre malheur ou de s’être définitivement résignés.


Depuis la malheureuse rencontre avec l’occident datant du 15e siècle, l’Afrique n’a eu de cesse de se faire abuser par des cleptomanes pervers et narcissiques, reconnus maîtres affabulateurs devant l’Eternel. L’occident a usé de tous les subterfuges maléfiques depuis le temps pour manipuler les africains par le canal de ses armes de distraction massive, à grands renforts de médias aux ordres. Religion, Démocratie, Droits de l’Homme, Aide publique au développement et tous autres grotesques et fallacieux prétextes pour garder les africains distraits de leurs priorités n’ont eu cesse de prospérer. Mais cela ne peut continuer si l’Afrique tient à s’émanciper des griffes d’un occident vampirisant.



Africains et afrodescendants, ne nous laissons plus dire ce qui est bon pour nous, et arrêtons de faire du suivisme servile une identité africaine. Il est grand temps de penser par soi-même et de tracer son propre chemin sur la base de nos seules priorités, à la lumière de notre riche histoire. Il est temps de sonner le tocsin de la révolte et de s’opposer à toute soumission à la déferlante de distractions nocives pour l’émancipation de nos peuples. Les opprimés ne peuvent se permettre le luxe coupable des pantoufles de la distraction quand ils doivent s’armer de bottes et boucliers pour le combat de la dignité. Défaisons nous de l’addiction aux insipides séries télé, aux boites de nuits, aux matchs de Champions League, aux effets de mode et aux illusions du paraître et de l’assimilation complaisante pour marcher dans les pas de nos dignes précurseurs que sont entre autres Um Nyobè, Cheikh Anta Diop, Patrice Emery Lumumba, Steve Biko et Thomas Sankara, pour rendre ainsi à l’Afrique ses lettres de noblesse.



Paul ELLA,

Analyste financier

Directeur du Centre Africain de Recherche en Géostratégie

Email : africanrevival2020@gmail.com

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