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Cameroun : l'État doit reprendre Eneo et nettoyer l'ensemble du secteur de l'énergie électrique



Il est peu imaginable qu'une société qui exploite un réseau électrique, avec plus de 60% d'énergie hydroélectrique (la plus moins chère du monde), soit incapable d'avoir un équilibre financier dans un pays de près de 30 millions de consommateurs. Les Camerounais n'ont pas seulement un des plus grands potentiels hydroélectriques au monde, ils ont aussi un revenu moyen par habitant de plus de 1 666 dollars ; de quoi payer régulièrement une facture d'électricité. Cependant, Énergie of Cameroun (Eneo), filiale du groupe britannique Actis, annonce une perte moyenne de 15 milliards de FCFA, tous les ans depuis 05 ans; de quoi susciter la colère des Camerounais qui pour certains paient l'électricité avant même de consommer.


Face à un tel désastre, Yaoundé a décidé de prendre les choses en main par la nationalisation d'Eneo. Le 5 septembre dernier, le chef de l'État, Paul Biya, instruisait la mise sur pied d’un comité interministériel ad hoc, présidé par le ministre des Finances, Louis Paul Motaze, chargé de conduire le processus de rachat des 51 % de parts que le fonds britannique Actis détient au capital de la société.

Il est évident qu'au bout de la nationalisation, il faudrait aussi remettre à plat l'exécutif d'Eneo, et ses organes de contrôle. Les membres de son conseil d'administration, présidé par Séraphin Magloire Fouda, ont pendant toutes ces années laissé faire ; pour des raisons inavouées qui pour beaucoup ne peut être que de la complicité dans un système tentaculaire qui implique les producteurs d'énergie électrique, le transporteur national(Sonatrel) et le régulateur(Arsel). Car c'est, entre autres, ce système qui étrangle le revendeur d'électricité, Eneo, qui doit parfois payer au producteur le Kwh à plus de 200 FCFA et verser jusqu'à 18 FCFA au transporteur pour acheminer l'électricité chez les clients. Avant la Sonatrel, le coût moyen du transport du Kwh pour Eneo était de 04 FCFA.



A quoi sert la Sonatrel ?

Pour tenter de justifier ses pertes, Eneo déclare que chaque mois, elle doit verser 17 milliards de F CFA aux sociétés productrices, de transport et au régulateur. Lesquelles sociétés menacent directement l'État de risque de faillite en cas de non-versement de l'argent et d'une paralysie du système. De son côté, Eneo affirme ne facturer, par mois, que pour 41 milliards de FCFA, avec une collecte effective de seulement 31 milliards de FCFA. Le reste des 10 milliards étant la consommation des entités publiques. Une créance difficile à recouvrir, selon elle. Elle affirme que 24% de l'électricité produite, et dont elle paie la production et le transport, disparaît dans la vétusté du réseau. On se demande alors ce que fait la Sonatrel.

Concernant les 41 milliards de FCFA de facturation, auprès des consommateurs tous les mois, beaucoup doutent de la réalité des chiffres. Les demandes d'abonnement explosent et les compteurs prépayés sont très demandés par les Camerounais qui trouvent ainsi un excellent moyen de maîtrise de la consommation. Alors pourquoi est-ce qu'Eneo vent aussi peu ? Des sources bien introduites évoquent un système de vente non déclarée qui permettrait à Actis de se mettre pleins les poches, tout en faisant pression sur l'Etat et ses partenaires financiers avec des menaces de faillite.



Le régulateur bien silencieux


Que fait le régulateur face à ces soupçons de fausses facturations et de ventes non déclarées ? L'Arsel a déjà contesté une facturation jugée sans fondement pour ce qui est des factures attribuées aux entreprises publiques et aux collectivités territoriales décentralisées. Sans avoir préalablement installé des compteurs, dans plus de 80 % des points alimentés, Eneo arrive quand même à adresser à l'Etat des factures de plusieurs dizaines de milliards de FCFA.


De nombreuses administrations ne disposent pas de compteurs et la majorité des villes ne possèdent pas un réseau d’éclairage public aux normes. Par ailleurs, conscientes du fait que l’État, actionnaire de référence d’Eneo (44%), s’oppose à l’arrêt de leur alimentation, les entités publiques n’intègrent pas le paiement des factures d’électricité dans leurs priorités. Du coup, les impayés s’accumulent. En avril 2023, la filiale d’Actis réclamait à l’État 180 milliards de FCFA. Une somme que conteste vigoureusement l'Arsel.



Pour continuer de fonctionner, le distributeur affirme être contraint de contracter des crédits de trésorerie (dettes d’une maturité de six mois au plus). Le volume de crédits de trésorerie a atteint 140 milliards de FCFA en 2022. Aujourd’hui, Eneo doit virer, chaque mois, 18,6 milliards de FCFA aux banques pour rembourser sa dette financière.


Alors qu'elle est presque en faillite, Eneo s'apprête à voir ses obligations financières exploser. Selon le contrat d’achat d’électricité, dès la mise en service commercial de la centrale hydroélectrique de Nachtigal, prévue en septembre 2024, Eneo devra verser, chaque mois, 10 milliards de FCFA à la société NHPC ; que l’énergie produite soit consommée ou pas. En cas de défaillance du distributeur d’électricité, l’État s’est engagé à payer la facture. Ce qui accentue davantage le risque budgétaire.



L'État doit maitriser le secteur


En s'engageant à racheter les parts de Actis, devenant ainsi l'unique propriétaire de l'entreprise, l'Etat du Cameroun va surtout se retrouver avec toute la dette de l'entité. Le Cameroun devrait ainsi supporter seul le passif estimé à 180 milliards FCFA. Pour arrêter la saignée et sauver un secteur névralgique de l'économie nationale, le pouvoir devrait démanteler systématiquement tout le système par un renouvellement de toute les structures de gouvernance et de contrôle dans toutes les entités du secteur détenu par l'Etat. Le pays devrait aussi revoir les normes et imposer le paiement obligatoire des factures par toutes les entités publiques.


L’Etat va investir

Le gouvernement a élaboré un plan de redressement du secteur de l’Électricité (PRSEC). D’un coût de 6 000 milliards de FCFA, il doit s’étaler de 2023 à 2030. L’un de ses objectifs est l’« amélioration de l’équilibre financier du secteur de l’électricité ». Pour faire face à l'urgence, des actions du PRSEC ont été regroupées dans un autre plan dit « prioritaire », qui nécessite un financement de 400 milliards de FCFA.


Selon le ministère de l’Eau et de l’Energie (Minee), la Banque mondiale a donné son accord de principe pour apporter un montant de 180 milliards de FCFA, sur cinq ans, via le programme axé sur les résultats. Cet argent doit permettre le paiement ponctuel des factures d’électricité de l’administration publique et de la compensation tarifaire annuelle ; l’installation des compteurs sur les bâtiments publics et les réseaux d’éclairage public ; la réalisation de nouveaux branchements ; l’augmentation de la contribution des énergies renouvelables dans les réseaux interconnectés et isolés, ainsi que de la capacité de transformation des postes de transport exploités par la Sonatrel.

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