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Crise ukrainienne : conséquences et leçons pour l’Afrique



Dans l’espoir que certains des africains encore distraits auront fini par comprendre que la logique de la géostratégie, par le biais des influences collatérales, impose de considérer les impacts conjoncturels et structurels de tout événement à portée mondiale, même loin du continent, nous allons apprécier les conséquences réelles et supposées de la crise ukrainienne sur l’Afrique, ainsi que les leçons à en tirer.


Sur le plan économique


L’ONU et les instances occidentales annoncent une énième catastrophe pour l’Afrique, cette fois une famine ! Mais cela rappelle étrangement une déclaration similaire du Directeur Général de l’OMS en 2019, qui faisait état d’une hécatombe pour les africains qui devaient, selon lui, « se préparer au pire » face à la crise sanitaire du Covid19. On connaît la suite, cette prophétie de malheur sur l’Afrique s’est trouvée être une réalité pour l’Occident et pas pour nous, où le nombre de décès n’atteignait même pas les 0,05% de cas. Rebelote, une autre apocalypse est prédite aux africains, comme si nos mémoires étaient à ce point volatiles. Les occidentaux, par un tour de passe-passe comme eux-seuls ont le secret, essaient manifestement, comme ils peuvent, de rallier l’Afrique à leur cause par le moyen de cet autre grotesque chantage émotionnel, après leur sidération du fait que la moitié des pays africains se soient logiquement abstenus de sanctionner la Russie sur la résolution de l’ONU, lors du vote y afférent, le 2 mars dernier.



De façon évidente, la première et principale victime économique de la crise en Ukraine, du fait des sanctions contre la Russie, c’est l’Europe. Son niveau de dépendance au fournisseur russe, parfois jusqu’à 50% pour certains produits essentiels, amène à s’interroger sur l’équilibre psychologique des occidentaux quant aux sanctions infligées au pays de Vladimir Poutine. Le pétrole, le gaz, le charbon et le blé, sans parler du tantale, du colombium ou du palladium, sont sans alternatives dans le court terme. Les opportunistes américains qui savent tirer profit des guerres qu’ils déclenchent proposent déjà leur gaz aux européens, sauf qu’il s’agit du gaz de schiste, plus polluant et plus coûteux d’un point de vue industriel. Résultat des courses, en Europe et dans une moindre mesure aux Etats-Unis, l’inflation s’envole, les ménages s’affolent, mais les très illuminés médias occidentaux parviennent encore à nous expliquer que leurs sanctions portent des fruits pour contraindre les russes à stopper la guerre ! Curieux entêtement contre toute évidence, quand Joe Biden est contraint d’aller supplier le Venezuela et l’Iran pour leur pétrole, pourtant classés parias par les mêmes américains, après que l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis leur aient fermé la porte pour les mêmes supplications. Pathétique.


Mais qu’en est-il des conséquences économiques pour l’Afrique de cette crise ukrainienne ? Non, l’Afrique ne coure pas le moindre risque de famine, quoiqu’il arrive. Cette prédiction loufoque est une autre insulte à l’Afrique. L’Afrique, faut-il le rappeler, c’est 60% de toutes les richesses du sol et du sous-sol de la planète, c’est aussi 60% de toutes les terres arables au monde, avec une population, et donc une main-d’œuvre potentielle qui correspondra à un tiers de l’humanité d’ici 2050, avec une moyenne d’âge de 25 ans, pour l’une des densités de la population les plus faibles de tous les continents avec ses 30 millions de km² ! Des matières premières dont l’Afrique va être privées du fait de la crise ukrainienne, aucune ne fait défaut ni au sol ni au sous-sol africain. Pour autant, compte-tenu de la situation économique mondiale conséquente, l’Afrique doit réorganiser sa politique économique en réorientant sa production et sa consommation. De manière concertée, les économies africaines doivent s’imposer des produits de substitution à ceux qui ont pour matière première le blé. Chose aisée, du moment où le pain de blé n’est qu’une habitude culturelle extravertie et qu’il existe une infinité de solutions locales de rechange bien plus nourrissantes. Pour ce qui est du pétrole et du gaz, avec l’Algérie et le Nigéria qui sont respectivement 11e et 9e producteur mondial, sachant que les importations hors d’Afrique sont le fait d’insuffisance de structures industrielles adaptées, il est impératif de mettre sur pied des unités locales de transformation afin de réduire progressivement la dépendance à l’extérieur. Par ailleurs, les exportations hors du continent doivent trouver des destinations prioritairement internes, et secondairement hors occident, ce qui aura l’avantage de concrétiser les échanges Sud-Sud tant espérés. Cela ne se fera pas en quelques jours, mais cette crise ukrainienne donne à l’Afrique, comme celle du Covid, une opportunité unique de gagner son indépendance économique.



Sur le plan social


La crise ukrainienne nous rappelle que les droits humains que les occidentaux brandissent tel un fétiche pour justifier tous leurs caprices capitalistes est une farce. Les discours des dirigeants européens validés en boucle par leurs médias nous ont rappelé que leur notion d’humanitaire s’appliquait selon la couleur de la peau. On a vu des noirs refoulés à la frontière ukrainienne, tandis que les « réfugiés de qualité » qui « ressemblent » aux généreux européens qui les accueillent sont plus acceptables que des réfugiés africains, afghans ou irakiens, parce que, eux au moins, « conduisent les mêmes voitures que nous », comme l’a sans gêne déclaré un reporter sur une chaîne de télévision française. Ahurissant. Mais c’est bien le monde que nous dessine la bonne conscience occidentale. Plutôt que de passer le temps à crier au scandale et mener des combats de sensibilisation à l’endroit de personnes qui sont momifiées dans leurs hallucinations de civilisation suprême, les africains se doivent de tirer les conclusions une fois pour toutes : on n’est bien que chez soi, et le monde global qu’on nous vend comme une panacée sociale n’est qu’au service des fantasmes des dominants qui continuent de nous lobotomiser les cerveaux par des concepts creux et soporifiques auxquels eux-mêmes ne croient guère.



Sur le plan politique


La situation de conflit en Ukraine et toute la nuée de conséquences que nous observons doit amener les africains, plutôt que d’en faire un sujet de distraction ou de suivisme sympathique pour l’un ou l’autre des camps, à se positionner pour faire prévaloir leurs intérêts selon leurs propres priorité, et mettre le reste du monde au pas. Encore faudrait-t-il que nos dirigeants, souvent aux ordres de l’occident, comprennent le caractère impératif de prendre en main la destinée du continent de Um Nyobè, Osende Afana, Modibo Keita, Kwame Nkrumah, Sylvanus Olympio, Gamal Abdel Nasser, Patrice Emery Lumumba, Thomas Sankara et Mouammar Kafdhafi. Sous réserve de l’émergence à la tête de nos Etats de véritables patriotes prenant fait et cause pour leurs peuples, les révolutions par le bas, celles initiées par les générations conscientes, restent une alternative sérieusement pressentie. L’indice de croissance irréversible du volume d’africains éveillés indique l’atteinte imminente de la masse critique qui déclenchera enfin le changement.



Paul ELLA,

Président du Mouvement African Revival

Directeur du Centre Africain de Recherche en Géostratégie

Site web : www.african-revival.org

Email : africanrevival2020@gmail.com

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