Cameroun : un accord de 60 milliards de FCFA avec 2 banques pour payer les dettes de la CDC, 2ᵉ employeur du pays

L’État du Cameroun, actionnaire à 100% de la Cameroon Development Corporation (CDC), unité agro-industrielle exploitant le palmier à huile, la banane et l’hévéa dans les régions du Sud-Ouest et du Littoral, vient de marquer un pas décisif vers la relance de cette entreprise en difficulté. En effet, s’exprimant le 15 janvier 2025 à Buéa, la capitale régionale du Sud-Ouest, où il a procédé au lancement de l’exécution du budget 2025 de l’État, le ministre des Finances a révélé que le gouvernement est parvenu à un accord avec deux banques locales, pour payer la lourde dette sociale et salariale de la CDC, 2ᵉ employeur du pays après l’administration publique.
« Dans le cas de la CDC, l'État, par le biais d'un accord de rachat et de règlement, a repris et transféré à deux banques commerciales, à savoir Société Générale et Banque Atlantique Cameroun, la dette de la CDC s'élevant à 59,8 milliards de FCFA, dont 35,4 milliards de FCFA de dette salariale et 24,1 milliards de FCFA de cotisations sociales. Conformément au plan de remboursement prévu dans l'accord, la première partie de la dette salariale, soit 20 milliards de FCFA, a été effectivement versée aux salariés en 2024, et les 15 milliards restants le seront en 2025. La dette fiscale, qui s'élève à 31,8 milliards de FCFA, a été reprise et incorporée au capital de la CDC », détaille Louis Paul Motazé.
En d’autres termes, au cours de l’année 2025, l’actionnaire unique de la CDC qu’est l’État du Cameroun devrait achever de payer la totalité de la dette salariale de cette entreprise publique à fin juin 2023, en supposant que d’autres arriérés n’aient pas été accumulés dans l’intervalle. En effet, les 35,4 milliards de FCFA annoncés par le ministre des Finances correspondent pratiquement au volume des arriérés de salaires des employés de la CDC au 30 juin 2023 (35,7 milliards), tel que révélé par la Commission de réhabilitation des entreprises du secteur public et para-public (CTR) dans son rapport 2022, publié fin 2023. Le même rapport estime à 26,7 milliards de FCFA à la même période (soit 2,6 milliards de FCFA de plus que l’enveloppe reprise par l’État, NDLR), les arriérés de cotisations sociales de la CDC vis-à-vis de la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS), le fonds public de pension du pays.
En tout cas, la reprise et l’apurement des dettes salariale, sociale et fiscale de la CDC par l’État (91,6 milliards FCFA au total, NDLR) devrait rasséréner le climat au sein de cette unité agro-industrielle publique, et déblayer le chemin pour la reprise des investissements pouvant permettre la relance de l’entreprise. En effet, selon le ministre délégué auprès du ministre de l’Économie, la CDC fait partie, avec la Sodecoton, Pamol et la Semry, des quatre sociétés pour lesquelles l’État recherche actuellement des financements auprès des partenaires financiers, en vue de booster les capacités de production. Paul Tasong a fait cette révélation fin décembre 2024 devant la Commission des Finances de l’Assemblée nationale, lors de la défense de l’enveloppe budgétaire du ministère de l’Économie pour l’exercice 2025.
Près de 40 milliards de pertes en 3 ans
Pour rappel, avec des pertes cumulées de 38,7 milliards de FCFA entre 2019 et 2021, selon les données de la CTR, la CDC est l’entreprise camerounaise qui paye le plus lourd tribut des revendications séparatistes en cours dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun depuis fin 2016. En 2018, par exemple, 12 sites de production sur les 29 que compte l’entreprise étaient en arrêt total de production, en raison de l’insécurité créée dans les plantations par les militants séparatistes. Ces derniers n’ont d’ailleurs pas hésité à transformer certains de ces sites en camps de base pour leurs milices armées, qui ont tué plusieurs travailleurs et grièvement blessés plusieurs autres. Cette conjoncture difficile a officiellement causé la perte de 6 124 emplois sur les plus de 22 000 que comptait alors cette société d’État.
Dans ce contexte, la CDC avait disparu du fichier des exportateurs de bananes (le produit phare de l’entreprise, NDLR) à partir de septembre 2018, pour ne réapparaître qu’au mois de juin 2020. Avec des volumes de production jusqu’ici largement inférieurs à ceux d’avant le déclenchement, fin 2016, de la crise dite anglophone. À titre d’illustration, au cours des neuf premiers mois de l’année 2024, la CDC a exporté seulement 22 640 tonnes de bananes, selon les données compilées par l'Association bananière du Cameroun (Assobacam).
À en croire la même source, cette cargaison est plus de trois fois inférieure aux 75 894 tonnes exportées au cours de la même période en 2016, date du déclenchement de la crise séparatiste qui secoue les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du pays. En 2017, soit un an après le début de cette crise, la CDC exportait encore près de 74 000 tonnes à fin septembre, correspondant à une moyenne de plus de 8 000 tonnes de bananes expédiées vers le marché international chaque mois. Ce qui n’est plus le cas depuis huit ans.
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