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La RD Congo en pleine polémique des essais de vaccin du Covid-19


L'information a fait l'effet d'une bombe dans un pays meurtri par les épidémies. Entre autorités, société civile et populations, le débat est chaud.


La tension est toujours là, palpable. Près d'une semaine après la déclaration fracassante du Dr Jean-Jacques Muyembe, 78 ans, chargé de la riposte sur une éventuelle candidature de la RDC aux essais cliniques d'un vaccin contre la pandémie du Covid-19 d'ici à juillet-août prochain, la polémique est loin d'être close. Non seulement elle a semé le doute dans les esprits, mais elle tombe au plus mal dans un pays qui a une longue histoire avec les vaccins et les campagnes de vaccination. « Nous n'allons pas commencer la vaccination en RDC sans qu'elle soit testée auparavant en Amérique et ailleurs », avait tenté de rassurer le virologue, aussi engagé sur le front de la lutte contre le virus à Ebola, déclaré il y a plus d'un an dans le pays. « Je suis moi-même congolais et jamais des Congolais ne seront utilisés comme des cobayes », avait-il insisté. Trop tard ?


Et si c'étaient des stérilisants ?

« Nous avons été surpris par cette décision. J'ai laissé des instructions à mes enfants de ne pas se soumettre à une telle vaccination si jamais les équipes passaient en mon absence et au besoin de me le signifier. Nous avons appris par une connaissance à l'étranger que ces vaccins sont, à vrai dire, des stérilisants, produits par certaines puissances face à la démographie croissante », analyse sans détour Belbiche Bosa, 37 ans, commerçante au marché de Kianza, un quartier de Ngaba dans le sud-ouest de Kinshasa. Et elle n'est pas la seule à le penser. L'idée que les vaccins en cours de tests sont des stérilisants est très répandue.


José Mintulu, jeune homme de 26 ans, est vendeur ambulant au marché de la Liberté, dans le district populaire de la Tshangu. Là-bas, la majorité des habitants pensent que la bonne marche d'un mariage est tributaire de la fécondité de la femme. José explique, non sans humour, son ras-le-bol après l'annonce de ces essais : « Si réellement ces vaccins sont efficaces, que nos autorités et leurs familles soient les premières à être vaccinées car ce virus dans notre pays est entré par eux, eux qui voyagent. » « Je ne peux être partie prenante d'une telle décision, les enfants sont nos richesses et nous motivent à travailler durement pour assurer leur survie malgré notre situation sociale dégradante », poursuit-il avec un petit sourire en coin.


Quand les politiques s'en mêlent

La classe politique, toutes tendances confondues, n'est pas restée silencieuse face à cette actualité brûlante. Chacun y est allé de son analyse, de sa vision. Ainsi, des partisans de la coalition Lamuka, plateforme regroupant Moïse Katumbi, Jean-Pierre et Martin Fayulu, dénoncent une course à l'argent. « Le peuple est déjà meurtri par votre mégestion et vous l'utilisez encore comme des cobayes pour des millions de dollars de contreparties, assez ! » lance Véronique Iyolo, militante de l'Ecide, parti particulièrement cher à Martin Fayulu.


Du côté de l'UDPS, parti du président Félix Tshisekedi, c'est un autre son de cloche. Dans une lettre en date du samedi 4 avril adressée au coordonnateur de la riposte contre le nouveau coronavirus, le professeur Jean-Jacques Muyembe, une association politique au sein de l'UDPS, dénommée Synergie des sages de l'UDPS pour le développement du Congo (Sysauco), qui dit « avoir pour mission de conscientiser et d'éduquer les populations en matière politique », a annoncé « la disponibilité de ses membres volontaires (cobayes) pour le test du vaccin contre le Covid-19 », a-t-elle écrit, avant d'ajouter « avoir accueilli avec joie la nouvelle des tests de vaccin » et se porter volontaire pour les essais.


La recherche d'un vaccin se poursuit dans le monde

À l'heure actuelle, épidémiologistes, virologues, experts en santé publique s'accordent à dire que seules des campagnes de vaccination massives parviendront à stopper efficacement l'épidémie de Covid-19. « La mise au point et la distribution d'un vaccin sûr et efficace vont être nécessaires pour interrompre totalement la transmission », souligne le patron de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus. Une vaccination massive et réussie permettrait d'immuniser un pourcentage élevé de la population, ce qui empêcherait le virus Sars-CoV-2 de circuler et stopperait l'épidémie. Cela a déjà été le cas par le passé, sur une période bien plus longue, pour la variole, autre maladie virale sans traitement efficace, rayée de la carte des maladies depuis 1980 grâce aux vaccins.

Le professeur Muyembe abondait dans le même sens : « Le Covid, à un moment donné, sera incontrôlable », avait-il détaillé, joint par l'AFP. « La seule façon de le contrôler, ce sera le vaccin, tout comme Ebola. C'est le vaccin qui nous a aidés à terminer l'épidémie d'Ebola. » Plus de 320 000 personnes ont bénéficié de deux vaccins utilisés à titre expérimental. Le premier vaccin utilisé à plus de 300 000 doses « a été récemment préqualifié pour homologation », ont indiqué les autorités sanitaires.


En ce qui concerne le nouveau coronavirus, des phases pilotes d'essais cliniques sur trois vaccins ont bien lieu actuellement aux États-Unis, au Canada et en Chine. Ces trois pays sont les seuls à être passés à l'expérimentation sur des êtres humains. Il faut savoir qu'au moins 51 autres vaccins en sont à la phase de test sur les animaux. Mais, avant l'homologation et la commercialisation, il faudra attendre au moins 2021. Tant que l'OMS n'aura pas validé ces premiers résultats, il n'y aura pas de phase 3, c'est-à-dire de test à plus grande échelle pour confirmer l'efficacité de ces vaccins.


Le public en attente d'informations

Enfin, dans la foulée des soutiens inattendus à la déclaration de l'éminent virologue, Sindika Dokolo, initiateur du mouvement citoyen Les Congolais debout et gendre de l'ancien président angolais Eduardo Santos. Bien qu'il soit contre l'idée d'utiliser les Africains comme des cobayes, Sindika Dokolo ne trouve aucun inconvénient à ce que ce vaccin soit testé en RDC. Il explique : « Si les traitements expérimentaux sont les seuls espoirs de sauver des vies. » Et de poursuivre : « Un vaccin est toujours testé sur des groupes de personnes avant d'être autorisé. Tester un vaccin ne signifie pas tuer des gens comme des rats de labo. De plus, ne croyons pas que le Covid va épargner la RDC. Nous n'avons ni hôpitaux ni ventilateurs et le confinement est illusoire. Faudrait-il alors demander la démission du Dr Muyembe et procéder dorénavant par vote populaire sur des questions techniques ? Apparemment, nous sommes tous spécialistes. Je note que j'ai entendu des sportifs sur le sujet mais pas vraiment de scientifiques africains. »


Le débat continue

Le débat est loin d'être clos, car le pays, en plus du Covid-19, doit gérer une épidémie de virus à Ebola et une autre de rougeole. « La RDC a enregistré l'épidémie la plus meurtrière de rougeole de son histoire, avec plus de 335 413 cas suspects et 6 362 décès du 1er janvier 2019 au 20 février 2020 », selon les dernières données de l'OMS. La rougeole a tué davantage que l'épidémie d'Ebola déclarée le 1er août 2018 dans l'est du pays (2 264 décès). Depuis le début de l'épidémie du nouveau coronavirus, le 10 mars 2020, la RDC a fait état de 254 cas confirmés, dont 21décès et 21 personnes guéries, selon les autorités.



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