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Coronavirus : témoignage du camerounais qui a survécu au COVID-19


Parmi les Africains qui ont jusqu’ici contracté le COVID-19, il y a le Camerounais Pavel Daryl Kem Senou, qui étudie l’agronomie à l'université de Yangtze en Chine. Agé à peine de 21 ans, il a été testé positif du COVID-19 après un bref séjour dans la province chinoise de Wuhan qui est l’épicentre et le point de départ de l’épidémie. Hospitalisé du 28 janvier au 10 février 2020, il est sorti guéri de la maladie, mais reste encore en quarantaine où il poursuit son traitement tout en étant suivi par les médecins. Il a accepté de raconter à SciDev.Net son expérience de cette pathologie qui provoque une grande vague de panique à travers le monde.

Que savez-vous des circonstances dans lesquelles vous avez contracté le nouveau coronavirus ?

Le 17 janvier j’ai décidé avec quelques amis de faire un voyage de loisir à Wuhan, puisque nous sommes en vacances. J'ai cette habitude d'être très ouvert et de faire la bise a tout le monde pour dire bonjour ou aurevoir. Je me dis que c'est la raison pour laquelle sur les 17 personnes que nous étions, je suis le seul qui ait été contaminé.

Comment avez-vous su que vous étiez contaminé par ce virus ?

Quand je suis rentré de Wuhan le 21 janvier, la campagne de sensibilisation sur le virus battait son plein, notamment dans les médias. C’est alors que mon encadreur s’est rappelé que j’étais à Wuhan. Il a informé le bureau des étudiants internationaux et à partir de ce moment-là, je recevais des appels me demandant si je n’avais pas de fièvre ou si je ne ressentais pas d’autres symptômes. Une enseignante a ensuite été chargée de contrôler mon état de santé toutes les deux heures.


A un moment donné, on a constaté que j’avais de la fièvre et que je ressentais aussi de la fatigue. Il m’a alors été demandé d’aller à l’hôpital à vélo de peur de contaminer d’autres gens dans le transport en commun. C’était l’un des moments les plus pénibles pour moi. Je me disais que j’allais à la mort. Mais, je restais très positif en me disant que je serai le mourant le plus heureux qu’on ait jamais vu. C’est ainsi que je chantais et dansais à l’hôpital si bien que je représentais un objet de curiosité pour les autres patients. Mais, après les analyses, les médecins m’ont dit que je n’avais pas le virus. Ils ont dit que je n’avais que de la grippe ; d’autant plus que nous sommes en hiver. J’étais soulagé. On a continué néanmoins de contrôler mon état de santé et on s’est rendu compte que même trois jours après mon passage à l’hôpital, il ne s’améliorait toujours pas et ma température était toujours à 37,9°C. La dame qui contrôlait ma santé m’a alors demandé de repartir à l’hôpital le lendemain matin. Mais, j’y suis allé dans l’après-midi. Là, après les examens, ils ont appelé mon tuteur pour lui dire que j’allais rester à l’hôpital, sans toutefois donner la moindre explication.

Quelle a été votre réaction en ce moment-là ?

J’étais très surpris parce que je me sentais beaucoup mieux ce jour-là. Entre temps, ma température avait baissé pour se situer à 37,1°C et je ne ressentais plus de fatigue. Ils m’ont mis dans une salle et m’ont expliqué que je ne pouvais pas sortir. Mais, je dois avouer que j’avais très peur au vu de la combinaison des infirmières. Ça me donnait l’impression que je souffrais d’une maladie trop grave. Jusque-là, on ne m’avait toujours rien dit sur la maladie dont je souffrais. J’ai dû lire le résultat du scanner qu’ils avaient effectué pour réaliser que mes poumons étaient sérieusement infectés. Ce qui m’a davantage stupéfié puisque je n’avais pas de mal à respirer et je ne toussais pas. C’est après trois jours de traitement que le médecin m’a dit que j’avais le virus, mais que mon état s’améliorait très rapidement. Ainsi, tout le monde, y compris au Cameroun, a su avant moi que j’avais le virus.

Comment cela s’explique-t-il ?

L’école que je fréquente avait publié l’information et quelqu’un l’avait relayée sur Facebook avec ma photo. Et un jour, j’ai vu sur les réseaux sociaux une vidéo capturée sur Equinoxe TV [une chaine de télévision camerounaise] parlant de moi, avec mon nom. J’en ai été très choqué et ma famille dévastée… Je précise bien qu’en ce moment-là, je ne savais pas encore que j’avais cette maladie. Et je crois même que c’est ce stress, ajouté aux nombreux coups de fil qui ont commencé à me venir de partout qui a aggravé la maladie en moi.

Outre la fièvre, quels autres symptômes avez-vous commencé à ressentir alors ?

J’ai commencé à ressentir une toux très forte et répétitive pendant deux jours, il y avait de légères traces de sang dans ma salive, j’avais le rhume, de la fatigue, de la diarrhée, de la fatigue et un manque d’appétit. Et puis, quelques petites maladies que j’avais avant et qui avaient disparu depuis un certain temps ont refait leur apparition.

Quelle comparaison faites-vous entre ce que vous avez ressenti et les symptômes de la grippe qui est une maladie courante au Cameroun où vous avez vécu auparavant ?

Je dois souligner que je n’avais jamais attrapé la grippe, même quand j’étais au Cameroun. J’ai eu le paludisme, la fièvre typhoïde ; mais jamais la grippe. J’ai la chance de ne pas tomber très souvent malade. C’était d’ailleurs la première fois où je me retrouvais sur un lit d’hôpital. Chaque fois que j’avais été malade, on parvenait à me soigner sans m’hospitaliser.

Qu’est-ce qui vous le plus marqué durant votre traitement à l’hôpital ?

Déjà, c’était la toute première fois que je portais un masque à oxygène. C’était gênant, mais, j’étais obligé de le porter, car, c’était la prescription du médecin. Et puis, toutes les trois ou quatre heures, on venait désinfecter toute la pièce où je me trouvais. Au début, j’étais seul dans cette pièce et plus tard, je me suis retrouvé dans une pièce que je partageais avec un autre patient.


A l’hôpital, j’ai beaucoup apprécié les infirmières. Je les ai trouvées très appliquées, très professionnelles et très dévouées, au point où j’ai même eu pitié d’elles. Je me demande même si elles dorment, vu le volume de leur travail et le nombre élevé de patients dont elles doivent s’occuper.

A partir de quel moment avez-vous su que vous aviez des chances de guérir ?

J’ai toujours su que j’allais guérir. D’abord, pendant plusieurs jours, je ne savais même pas pourquoi j’étais à l’hôpital. Je me disais qu’après leur expérience, ils allaient me dire de rentrer. C’est quand j’allais à l’hôpital pour la première fois que j’étais vraiment inquiet. Pour la deuxième fois, j’étais plus serein. Et quand ils m’ont dit que j’étais malade, ils ont ajouté que mon état s’améliorait très vite. Et le médecin m’avait dit que ma jeunesse et les sports comme le football et le basket que je pratique vont permettre à mon organisme de venir à bout de la maladie.

Comment-vous sentez-vous maintenant ? Les symptômes ont-ils complètement disparu ?

Il y a encore des moments où ma température monte. Mais, le médecin me dit que c’est sans gravité et que je dois surtout me reposer. Et je repars à l’hôpital toutes les deux semaines pour passer des examens. Et jusqu’ici, ils disent que tout est normal sur moi ; mais, que je dois encore rester en quarantaine.

Comment se passe cette quarantaine ?

Je ne suis en contact avec personne, hormis la personne qui m’apporte à manger. Et quand j’ouvre la porte pour prendre la nourriture, je dois porter le masque. Et puis, je continue à prendre les médicaments. Comme c’est l’hiver ici, le médecin me recommande d’éviter de m’exposer au froid, au risque d’attraper le rhume.

Comment votre famille et vous-même avez vécu ces moments ?

Je n’ai pas forcément vécu cette maladie comme une mauvaise chose. Le mal a été beaucoup plus psychologique, et surtout après la maladie, avec les commentaires qui étaient faits sur moi. Et ce qui m’a le plus choqué a été de voir une publication prétendant que les médecins ont dit que j’ai facilement guéri parce que j’étais un Noir. Or, il n’en est rien. Ça m’a fait mal parce que la circulation de cette fausse information risque de pousser les Africains à ne pas suivre les mesures de protection que recommandent les spécialistes. Et c’est ainsi que la maladie peut se répandre.

Quel message pouvez-vous dès lors adresser aux Africains maintenant que la maladie est bien installée sur le continent ?

Je voudrais juste dire que l’implication de tous est nécessaire dans la lutte contre cette maladie. Il ne faut pas penser que ça n’engage que le gouvernement. Et j’ai peur que cette maladie soit une catastrophe si elle se propage en Afrique. Car, je ne suis pas sûr que nous ayons dans nos pays les équipements sophistiqués et tout le dispositif sanitaire que j’ai vus pendant mon séjour à l’hôpital.

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